Connexion de l’Education Nationale à Google : le directeur du numérique pour l’éducation en question

L'espace de travail numérique ENT utilisé par les élèves (Photo ENT 90)

L’ouverture de l’informatique de l’Education Nationale aux services des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) crée la tempête.

Feu vert donné rapidement 

C’est Mathieu Jeandron, directeur du numérique pour l’éducation (DNE) qui semble avoir donné le feu vert un peu rapidement et de manière un peu cavalière à la connexion des annuaires de l’Education nationale aux systèmes de messagerie de Google ou similaire et à l’usage des outils des GAFAM. Ce qui couvre par exemple la messagerie de Google ou les outils bureautiques Office365 de Microsoft. Il torpille en deux pages toute la politique d’outils numériques de l’Education Nationale depuis des années.

Dans un courrier en date du 12 mai, publié par le Café Pédagogique, Mathieu Jeandron déclare « je tiens à vous confirmer qu’il n’y a pas de réserve générale sur l’usage des outils liés aux environnements professionnels chez les grands fournisseurs de service du Web (GAFAM et autres) … ».

Ce à quoi il ajoute, « je vous confirme qu’il n’y a pas de blocage juridique de principe à la connexion d’un annuaire avec l’un de ces services professionnels. » Et il finit : « Il n’est alors pas nécessaire d’utiliser des pseudonymes pour les utilisateurs : leur login peut tout à fait comporter leur nom et leur prénom afin de faciliter les usages pédagogiques (comme dans l’utilisation des ENT). »

Les ENT sont les espaces numériques de travail, sécurisés par l’Education Nationale avec l’usage de pseudonymes. L’usage des noms et prénoms des élèves pourrait amener une visibilité sur leurs échanges par Google, par exemple.

Déclaration à la CNIL

A la décharge du directeur, celui-ci demande que le dispositif soit déclaré à la Cnil ou à défaut au CIL chargé du traitement. Le directeur insiste sur le fait qu’il s’agit de services professionnels administrés par l’établissement scolaire ou le rectorat, et que cela n’a rien à voir avec les services grands publics.

Ce texte a déclenché des réactions en chaîne. Le Café pédagogique se fait l’écho de voix contradictoires au Ministère de l’Education Nationale et de craintes que les données des élèves puissent être utilisées par les Gafam. Une des possibilités serait que le cursus de chaque élève soit suivi ainsi que ses centres d’intérêts au travers de ses études. Connecter les annuaires inquiète tout particulièrement.

Interrogé par le Café pédagogique, Matthieu Jeandron confirme son courrier et affirme que les données sont protégées dans le cadre d’un contrat explicite signé. Mais rien ne garantit que les données soient conservées en France ou même en Europe. Mathieu Jeandron au passage égratigne les outils des ENT dont il déclare que l’usage n’est pas adapté avec des tablettes ni en mobilité.

Il s’appuie sur l’usage généralisé par les enseignants des services des GAFAM, à la suite d’une étude qu’il a fait réaliser. Et il indique ne faire que confirmer par écrit sa position déjà exprimée par ailleurs.

Une politique sécurité balayée en quelques mots

Les responsables de plateformes logicielles pour l’enseignement (Open digital Education, its Learning et ITOP Education) ont demandé des explications à Mathieu Jeandron par écrit le 18 mai. Ils l’accusent de vouloir transférer l’intégralité des données (élèves, enseignants, parents, familles) à Facebook, Google, Amazon et autres grandes plateformes américaines.

« Nous pensions pourtant que vous en étiez le gardien attentif et éclairé, » s’insurgent ces chefs d’entreprise de la filière du numérique éducatif. Ils rappellent que l’ENT (Espace Numérique de Travail) est là pour protéger les données des élèves et que leur usage est en croissance. Ils défendent l’usage mobile de l’ENT qui représente 1/3 de la fréquentation de l’ENT et devrait devenir majoritaire cette année.

Ils demandent une explication sur le cadre réglementaire imposé à Amazon, Google ou à Facebook et veulent savoir si les “CGU Education” (Conditions générales d’utilisation) de ces géants américains remplaceront celles imposées par Mathieu Jeandron jusqu’alors.  Ces responsables pointent que Mathieu Jeandron dispense les entreprises américaines des contraintes qu’il leur a imposées durant toutes ces années. Ils demandent si cette position vient de la nouvelle équipe gouvernementale ou s’il s’agit d’une position personnelle du directeur du numérique.

Les parents d’élèves opposés au projet

Le 22 mai, c’est la FCPE (Fédération des conseils des parents d’élèves) qui réagit aux instructions du DNE au fait que les annuaires des établissements puissent être fournis aux GAFAM. Les parents d’élèves se déclarent alertés. Ils souhaitent que la sécurisation des données des élèves soit un principe qui demeure, y compris par la souveraineté des données scolaires, c’est-à-dire, le stockage de ces données sur des serveurs en territoire national. Ils souhaitent également une anonymisation des adresses des élèves. Ils craignent entre autres les attaques par « phishing » ou le harcèlement. La FCPE souhaite toutefois la refonte des espaces numériques de travail – ENT-, qu’elle estime trop disparates selon les académies.

Enfin, les syndicats CGT Education et SNES-FSU ont réagi le 23 mai et le 6 juin. Ils considèrent que le directeur du numérique pour l’éducation incite clairement les cadres académiques à l’utilisation des outils des grandes multinationales du numérique (notamment les GAFAM, Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) au mépris de la protection de l’identité numérique des élèves et des personnels.

Fragilisation des personnels

Les syndicats estiment que cela va fragiliser les personnels en les plaçant dans une position déontologiquement discutable, alors qu’ils ne maîtrisent pas forcément les enjeux juridiques complexes de ces questions. Ils soupçonnent que cette ouverture des annuaires aux GAFAM ne se fasse sans concertation ni au sein de l’administration centrale, ni avec les recteurs, et le tout par un simple email envoyé par le directeur du numérique.

Les syndicats dénoncent un passage en force et saisiront la CNIL et la Direction des affaires juridiques du ministère sur cette question. Ils souhaitent également que le nouveau ministre de l’Education Nationale, Jean-Michel Blanquer, clarifie sa position sur cette question.

Une réaction sur “Connexion de l’Education Nationale à Google : le directeur du numérique pour l’éducation en question” :

  1. JL Schaff / consultant numérique éducatif

    La citadelle numérique construite en 2002 avec la première version du SDET a fait le travail. Plus personne ne discute le besoin de services numériques en appui des apprentissages, de l’enseignement ou de l’administration scolaire. A cette époque les services étaient rares et les bouquets représentés par les ENT offraient une réelle valeur ajoutée.

    Depuis 2002 l’offre de services numériques a explosé.

    Les Gafam masquent la forêt de centaines d’éditeurs de solutions éducatives (voir ici : https://studentprivacypledge.org/signatories/)

    Les enseignants curieux les connaissent et en partagent leurs expériences de manière de plus en plus ouverte. Mais souvent dans des cadres contractuels « grands publics », peu respectueux des données personnelles.

    Il est plus que temps de donner un cadre clair à tous ces services. C’est ce que le Ministère a fait. Courageusement. Il y a longtemps que cette ouverture étaient attendue.

    Pour autant, il ne nous est pas interdit d’être exigeant avec les éditeurs quels qu’ils soient.

    Et probablement de nous doter d’une législation plus protectrice des données scolaires.
    Ce dont les élèves américains et leurs parents disposent (et oui bizarrement leur droit est plus protecteur et les Gafam et les autres s’y plient).

    Enfin, attention de ne pas trop nous focaliser sur Apple, Google ou Microsoft, d’autres acteurs jouent dans les marges : Facebook arrive avec Workplace for education (et tous les élèves, voire tous les profs ont un compte facebook, plus besoin des annuaires « officiels », les « pure players », comme le livrescolaire.fr ou kartable.fr agrègent eux aussi de plus en plus d’élèves et d’enseignants, nos éditeurs de solutions de vie scolaire élargissent leurs offres de services en intégrant des services tiers, dont 365…

    Ca ne fait que commencer !

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  2. Marc

    Voici un très dangereux état de l’incrustation commerciale de grandes sociétés Américaines au seins de notre système de formation et d’enseignement, dans tous les établissements Français, qui s’oppère et s’incruste insidieusement d’année en année.

    Nos écoles publique se voient transformées en formatrices de commerciaux au services de ces grandes marques étrangères, occultant du même coup les anciens acteurs nationaux ou fermant la porte à ceux émergents.

    Google a inséré incidieusement dans son moteur un annuaire d’entreprise (les médecins, avocats, des millions de petits commerçants ou artisans qui n’ont pas de site web et donc ne peuxvent êtres visités par un robot), et di même coup, a semé la terreur auprès de tous les webmasters en menançants de sanction lourde ceux qui créent des liens non naturels sur les Annuaires Français.

    Cette politique de terreur, menace et sanction de Google a généré il y a quelques année une panique dans le milieu professionnel du web et numérique, beaucoup de sociétés Française spécialisées ont déposées le bilan sur cette campagne d’intimidation de Google, qui lui a donc permit d’imposer son annuaire sur les requêtes concernées qui représentent + de 70 % du trafic web quotidien sur l’exagone.

    Le site http://www.annuairefrancais.fr qui a plus de 20 ans d’existence à ainsi vu son trafic chutter progressivement depuis cette politique de prise de monopole de Google, avec 40% de chute de trafic puis 60 et 80% lorsque Google a commecé a mettre en première place couvrant tout l’écran d’un portable, ses publicités avec une grosse map et 3 établissements sur les requêtes professionnelles localisées (ex. maçon paris).

    L’enseignement public va encore plus loin, puisqu’on y enseigne comment faire du marketing avec Google, comment acheter des mots clés et crée / gérer des campagnes publicitaire Adwords pour des clients, comment utiliser Google Shopping , Amazon pour des clients, comment communiquer en achetant des liens ou des messages sponsorisés sur Google Gmail, Hotmail, Twitter, Facebook …

    Pourtant, la France s’organise et réagit. L’annuaire Français travaille sur un nouveau moteur de recherche 100% Français http://www.premsgo.fr , un vrai moteur avec ses propres données data (contrairement à Qwant qui utilise les données du géant Américain Bing Microsoft), qui ne visite que des établissements ayant un numéro de Siren et n’envoie ses robots qu’après avoir vérifier la propriété du site, tout en ne « fliquant » ses visiteurs.

    Dans le secteur marchand, l’Annuaire Français annonce aussi pour la rentrée 2017 la mise en service d’un big data 100% gratuit sans droit d’entrée ni commission ni paiement au clic du probablement le plus grand site E-commerce à venir, dans lequel tous les commerçants Français pourront diffuser la totalité de leur catalogue produit mais aussi de services, sans même avoir besoin d’avoir un site web. PremsgoShop s’annonce comme le plus grand site marchand Français, 100% gratuit, au service de l’économie Nationale, en concurrence directe et nettement avantageuse par rapport aux Amazon, Ebay, Booking.

    La prolifération d’intermédiaires TRÈS gourmand, pour la majorité ayant comme maison mère des sociétés étrangères, sont un vrai poison pour notre économie. Avec d’importants moyens publicitaires et des avantages de lancement pour attirer le chaland, ses sociétés se positionnent comme un intermédiaire au début « pratique », puis peu à peu, « saignent » les commerçants en augmentant leurs commissions a 15, 20, 25 voire 30% de commission sur des réservations ou des ventes de produits ou services.

    L’éducation nationale, l’enseignement privés, les centres de formation, jusque même dans les Chambres de commerce (CCI), les chambres de métiers, les centres d’aide à la création d’entreprise, partout en profondeur, le matraquage dans la tête de nos jeunes futurs responsable numériques, publicitaire, marketing, spécialistes Ecommerce… est partout envahis par ses sociétés Américaines.

    Il faut que notre système d’éducation, consulaire, que nos ministres et ministères cessent de faire la part belle a l’égémonie insidieuse de ces grands groupes étrangers qui finissent par piller notre économie et mettent en oeuvre une stratégie ferme et très active pour rétablir l’équilibre juste et honnête dans cette avalanche d’intrusion et de prise de contrôle de notre économie numérique.

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