Crédit Agricole veut devenir une banque où le digital est augmenté par l’humain

Jean-Paul Mazoyer, Crédit Agricole

Va-t-on vers la fin du mantra où l’intelligence artificielle et le digital servent à transformer l’employé en employé augmenté ? Le Crédit Agricole annonce un futur où c’est le digital qui est augmenté par l’humain.

Les conseillers doivent être sur la compréhension des clients

C’est ce que décrit Jean-Paul Mazoyer, directeur général délégué du Crédit Agricole, en charge de la technologie et du digital. Il a pris la parole le 20 septembre 2022, à l’occasion de l’événement AI For Finance organisé à Paris, au Palais Brongniart. « Nous devons faire en sorte que nos conseillers soient sur l’empathie, sur la compréhension de nos clients. Il faut investir énormément en formation, en accompagnement, en management. C’est là où il y a une véritable rupture. On n’est pas encore dans ces ruptures car c’est ces modèles là qui petit à petit vont s’imposer » pense-t-il.

Le client doit pouvoir tout faire sur le digital, et quand il en a besoin, parler à une personne, en responsabilité

Le dirigeant souhaite montrer que la force de la banque vient de l’empathie, de la proximité humaine avec ses clients. « Et donc ce qu’il faut que l’on fasse, ce n’est pas de l’humain augmenté par le digital c’est du digital augmenté par l’humain » tranche-t-il. Il précise sa pensée. « C’est-à-dire de faire en sorte que le client puisse tout faire sur le digital, et quand il en a besoin, il parle à une personne, en responsabilité, capable de débrayer [NDLR : sortir du carcan du processus digital] et d’apporter de la valeur ajoutée » précise-t-il.

Il pointe les lacunes du modèle actuel. « Aujourd’hui, on a fait de l’humain augmenté par du digital. Cela ne change pas les organisations. Le conseiller en agence va être augmenté par l’intelligence artificielle mais jusqu’à 17 heures et pas le lundi. Il va être augmenté pendant ses périodes de travail traditionnelles » décrit-il. Or ce n’est pas la demande du client, dit-il. « Ce n’est pas ce que veulent les clients. De plus en plus, les clients veulent du digital complet, expert, avec la possibilité de faire plein de simulations, de faire tout ce qu’ils veulent en digital, depuis où ils veulent et quand ils veulent » présente-t-il.

Jean-Paul Mazoyer, DG Délégué de Crédit Agricole


Le client veut du digital qui soit capable de tout faire

On va au-delà des opérations basiques réalisées en self-service. « Ce n’est plus les opérations basiques sur le digital, et dès que cela devient compliqué, on a besoin de parler à un humain. Le client veut du digital qui est capable de tout faire » affirme Jean-Paul Mazoyer. Il décrit un client qui veut en plus la capacité d’interrompre un process digital pour parler à un humain et surtout obtenir un service à valeur ajoutée et pas l’explication du process digital dans lequel il est coincé.

« Vous tombez sur quelqu’un qui n’a aucune capacité de décision voire pas la capacité de comprendre ce que vous voulez lui dire »

« On est tous de temps en temps bloqué sur un site web et on veut parler à quelqu’un au téléphone. Donc on appelle, et là on tombe sur un humain qui vous répète ce qu’il y a dans le process digital » décrit le dirigeant. « Vous tombez sur quelqu’un qui n’a aucune capacité de décision voire pas la capacité de comprendre ce que vous voulez lui dire et qui n’a surtout pas la possibilité de débrayer le processus. Et là vous demandez à parler à un responsable, qui est celui qui est capable de débrayer le processus » reconnaît-il. C’est cette impasse que le DG délégué entend désormais résoudre.

Pourquoi n’a-t-on pas encore vu arriver cette transformation dans la banque ? Sa réponse est que les dirigeants utilisent les technologies d’abord pour renforcer le modèle existant et qui fonctionne déjà. « J’ai vécu quelques transformations technologiques dans la banque depuis quelques décennies. Systématiquement, les dirigeants d’entreprise prennent la technologie pour renforcer le modèle existant et pas pour penser un nouveau modèle » explique Jean-Paul Mazoyer. Les dirigeants traditionnels ont quelque chose qui marche et ils ont envie de le rendre plus efficace.

Jean-Paul Mazoyer, DG Délégué Crédit Agricole


Les dirigeants traditionnels utilisent la technologie pour renforcer l’existant

Il cite l’exemple de l’arrivée des centres d’appels. « Par exemple, avec l’arrivée des plateformes téléphoniques à la fin des années 90, il y a des gens qui se disent ‘on peut peut-être faire une banque par téléphone exclusivement’. Les dirigeants traditionnels vont dire, ‘j’ai trop d’appels téléphoniques dans mes agences, je vais les envoyer sur une plateforme téléphonique pour libérer du temps’. C’est la prise en compte de la technologie pour essayer de renforcer un système existant » illustre-t-il.

« Des banques sont dans une logique de digital augmenté par le digital »

C’est ce que vit actuellement le secteur de la banque traditionnelle qui est bousculé toutefois par les néo banques. « Il y a des banques qui aujourd’hui font exclusivement du digital, elles ont apporté quelque chose de complètement différent parce qu’elles ont pensé le modèle de banque à partir de la technologie. Elles sont dans une logique de digital augmenté par le digital » ajoute le dirigeant.

Pour l’heure, Crédit Agricole utilise l’intelligence artificielle dans la banque de détail afin de dégager du temps pour ses conseillers. « Pour faire en sorte que le conseiller puisse consacrer son énergie en étant présent sur le bon client au bon moment » dit le DG délégué. Il précise les cas d’usage. « On a mis pour nos conseillers, de l’intelligence artificielle qui leur permette de poser une question plutôt que d’avoir de grands manuels de procédures dans les tiroirs. On va le faire évidemment avec un chatbot » illustre-t-il. 



L’intelligence artificielle mobilisée chez Crédit Agricole

Cette intelligence artificielle est étendue aux clients. « Ce chatbot on peut le faire également pour les clients. De plus en plus, les clients peuvent poser des questions directement sur un chatbot et on a de l’intelligence artificielle derrière » poursuit  Jean-Paul Mazoyer. « Nous avons de l’intelligence artificielle pour analyser les opérations, pour lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Et on a de l’intelligence artificielle pour détecter quand un client a une relation qui diminue avec sa banque donc en train de nous quitter gentiment » ajoute-t-il.

« Tout cela, ce sont des moyens d’aider nos conseillers, à libérer du temps et à être finalement plus efficaces » souligne-t-il. Une voie qui désormais n’est qu’une étape vers la transformation de la banque vers une interface totalement digitale et soutenue par l’intelligence artificielle, que l’humain vient compléter.

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