Afin d’amener une prise de conscience des grandes entreprises sur les risques professionnels, l’Assurance Maladie réalise actuellement une expérimentation basée sur l’analyse des données d’absence des employés pour raisons médicales.
La place au doute
Les dispositifs mis en place par l’Assurance Maladie afin de préserver l’anonymat des salariés laissent la place au doute, surtout à la suite de l’interview du responsable du projet par l’Express.
L’objectif de l’Assurance Maladie est d’engager un dialogue avec les entreprises pour les inciter à mettre en oeuvre des actions de prévention et à réduire certains facteurs de risque liés au travail. Les entreprises contactées ont un niveau d’absentéisme très élevé par rapport aux entreprises du même secteur d’activité.
L’Assurance Maladie indique que la démarche respecte le secret médical et la réglementation liée à la protection des données personnelles. Les données statistiques partagées avec l’entreprise sont anonymes. Les données sont agrégées au niveau de l’entreprise et sur des motifs génériques, et ne concernent que des entreprises dont les effectifs sont suffisamment importants, plus de 200 salariés, afin qu’il soit impossible de relier les causes d’absence et les salariés.
Pathologies d’origine professionnelle
A ce jour, l’expérimentation porte sur 5 entreprises et de son évaluation dépendra son extension à plus d’entreprises. Les troubles ciblés concernent les pathologies pouvant avoir une origine professionnelle, notamment les lombalgies, les troubles musculo-squelettiques et les troubles psycho-sociaux.
L’opération semble préserver les salariés. Mais Laurent Bailly, responsable du département des services aux assurés, en charge de ce programme à la Caisse d’Assurance Maladie interviewé par l’Express sème le doute face aux risques de transmission de données personnelles du salarié permettant à son employeur de l’identifier.
Le responsable indique que l’Assurance Maladie transmet les motifs d’arrêt maladie des salariés. Ces motifs sont connus si la personne a été contrôlée ou bien le motif est reconstitué grâce à des algorithmes à partir des consultations et des médicaments remboursés.
Par exemple, si le salarié a vu un psychiatre et pris des antidépresseurs, on peut en déduire qu’il a été arrêté pour dépression. Au passage, on apprend que ces algorithmes ont été développés à l’origine par le service du contrôle médical, pour essayer de mieux prévoir les contrôles en fonction des pathologies.
Impossible de remonter au malade
Laurent Bailly affirme qu’il est impossible de remonter au malade à partir des données même de manière indirecte. Il souligne que les partenaires sociaux ont d’ailleurs donné leur feu vert pour cette expérimentation. Et comme il s’agit d’une expérimentation la Cnil n’a pas eu à la valider explicitement.
Le risque de transmission d’informations personnelles viendrait d’une situation où trop de causes d’arrêt maladie sortent des grandes catégories génériques suivies par l’Assurance Maladie. Les entreprises veulent alors savoir ce qui se passe et l’Assurance Maladie craint de leur répondre de manière trop précise permettant de remonter jusqu’au salarié concerné.
Cinq entreprises ont été visitées, à Amiens, Bourg en Bresse, Marseille, Grenoble et sur la Côte d’opale. Elles relèvent du secteur de l’aide à la personne, du conseil, du gardiennage et de la sécurité. Elles ont un nombre d’heures d’arrêt de travail quatre fois supérieur à la moyenne des entreprises de leur secteur et de leur région. Leur taux d’absentéisme atteint 20%.
200 entreprises contactées par an
En 2018, une quarantaine d’entreprises seront contactées. Si le programme est étendu, il devrait atteindre 200 entreprises par an. Parmi les cinq entreprises contactées, certaines renvoient la balle chez l’Assurance Maladie en lui demandant de mieux contrôler les salariés pour savoir de quoi il retourne.
DANGER !
Qu’en sera t »il après l’expérimentation ?