En intelligence artificielle, faites des produits minimum, recommande Luc Julia, de Renault

Luc Julia, Renault

Si l’on veut réellement progresser dans l’usage de l’intelligence artificielle, il est temps de passer à la mise en service de produits minimum qui apportent déjà quelque chose au business, des MVP (Minimum Viable Product) et il faut arrêter totalement de réaliser des preuves de concept, les POC (Proof of Concept).

Les POC sont très fatigants et ne servent à rien

C’est le conseil radical de Luc Julia directeur scientifique de Renault, en charge des aspects digitaux chez le constructeur automobile.  Il s’est exprimé à l’occasion de l’événement Think Tank for AI, organisé le 14 octobre par Les Echos et Le Parisien. « Les POC ne servent à rien, il faut passer à l’étape suivante qui est les MVP, c’est-à-dire avoir des vrais produits que l’on va utiliser et qui vont nous servir à quelque chose » insiste-t-il. Il estime que l’heure des POC en intelligence artificielle est révolue. « Juste montrer que potentiellement il y a quelque chose que l’on peut faire avec l’intelligence artificielle, ce n’est pas ce qu’il faut faire » poursuit-il.  

« On continue à faire beaucoup trop de POC. Et cela ne sert à rien finalement« 

Le seul intérêt des POC est de faire monter les gens en compétences, mais c’est très fatiguant et on continue d’en faire beaucoup trop. « On fait beaucoup de POC et les POC c’est très très fatiguant » souffle-t-il, lassé. « Je ne pense pas que la frénésie des POC soit derrière nous. On continue à faire beaucoup trop de POC. Et cela ne sert à rien finalement » exprime-t-il. « Cela nous permet de nous acculturer un tout petit peu à ce qu’est l’intelligence artificielle, de comprendre un tout petit peu ce qu’est la technologie mais je pense que maintenant on a quand même compris » tranche-t-il.


Dans cette marche vers un usage plus large de l’IA, l’obstacle qui se rapproche est celui de la consommation électrique, alerte-t-il. « Ces systèmes d’IA consomment beaucoup d’électricité. Doit-on utiliser les IA pour faire tout et n’importe quoi ? » questionne-t-il. « Le système de jeu de Go qui a battu le champion du monde en 2016 c’était 440 KWh. Or c’était seulement pour jouer au Go, c’est quand même assez débile surtout que le joueur de Go en face, consommait seulement 20 Watts » s’énerve-t-il.

Faire des choix entre les applications d’intelligence artificielle que l’on va développer

Face à cette consommation élevée d’électricité, des arbitrages  vont devoir avoir lieu. « Si on a un système qui détecte le cancer du sein, et que l’on a des problèmes d’énergie et on sait que cela ne va pas s’arranger dans le futur, l’éthique va intervenir si l’on doit faire des choix et ce sont aussi des choix de société qu’il va falloir faire. Il va le falloir parce que l’IA est très énergivore » prévient-il.  Dès lors, il préconise une nouvelle façon de faire de l’intelligence artificielle qui ne repose pas sur le Big Data.

Il y a trop de données. Il va falloir les trier. Allons vers le small data et cessons d’utiliser systématiquement le Cloud

« L’IA d’aujourd’hui est de l’IA statistique qui n’utilise que du Big Data. L’IA d’hier c’’était des systèmes experts, de la logique, cela utilisait beaucoup moins de Data et ce n’était pas trop mal »  se souvient-il. « Il faut peut être revenir à des IA qui seraient hybrides avec des IA d’hier.  Elles sont plus économes » avance-t-il. Il prône le retour à la sobriété en matière de données. « L’IA d’aujourd’hui est trop facile, elle est statistique. Les données sont là, il y en a trop. Il va falloir les trier, et allons vers le small data » propose-t-il. Quant à la puissance de calcul, il faut cesser de se tourner systématiquement vers le Cloud. « Faisons les choses à la périphérie, sur le ‘edge’, là où sont les données. Tout cela parce que la question de l’énergie est un très gros problème dont on va s’apercevoir bientôt » reprend-il.  


Un autre enjeu, en revanche mieux identifié que celui de la consommation électrique, est celui du biais des données. Comment y remédier ?  « Les données sont historiques, par définition l’histoire d’hier, ce n’est pas forcément l’histoire d’aujourd’hui. Il y a donc de bonnes chances que les data d’hier ne puissent pas s’appliquer à la société d’aujourd’hui » constate le responsable. « Les data sont biaisées. On s’en rend compte ou pas. Quand on s’en rend compte, c’est mieux. Mais on va vouloir débiaiser et on va amener notre propre biais » déclare-t-il.


La société doit décider des règles à appliquer aux données

C’est à la société de définir les règles qu’elle veut que l’on applique aux données. « C’est là où l’éthique et la régulation peuvent intervenir, parce que la société va devoir décider comment on va débiaiser. Par exemple, une société de crédit peut décider de donner plus de poids aux femmes qu’aux hommes pour l’obtention de crédit, mais est-ce la bonne décision ? » illustre-t-il.

« Il faut que ce soit les gens qui font de l’IA qui parlent de l’IA et pas les autres, comme Laurent Alexandre »

Dès lors comment faut-il expliquer l’intelligence artificielle au grand public ? « Il faut que ce soit les gens qui font de l’IA qui parlent de l’IA et pas les autres. Par exemple, il ne faut pas laisser le micro à Laurent Alexandre.  Il faut que les experts comme Yann Le Cun de Facebook viennent en parler, pour expliquer ce que c’est. Plutôt que de faire des couverture sur l’IA veut nous tuer » assume-t-il.


Luc Julia a marqué les esprits en 2019 avec son livre ‘L’intelligence artificielle’ n’existe pas. « L’intelligence artificielle générale qui fait tout, qui serait meilleure que nous, cela n’existe pas » confirme-t-il. « L’intelligence artificielle c’est une boîte à outils » préfère-t-il. « Ces outils sont à notre disposition pour améliorer les processus, améliorer les résultats des projets. Ces outils sont meilleurs que nous. Ils permettent de faire mieux que ce que l’on ferait » conclut-il.

Une réaction sur “En intelligence artificielle, faites des produits minimum, recommande Luc Julia, de Renault” :

  1. Tinos

    « Il faut que ce soit les gens qui font de l’IA qui parlent de l’IA et pas les autres.  » C’est l’hôpital qui se moquer de la charité. Julia se vend depuis quelques années comme un pape de l’IA, mais honnêtement il y a des tas de gens qui ont bien plus d’expérience et de succès que lui. Son bouquin est un sommet d’egocentrisme avec très peu d’idées. Il faut arrêter de lui donner la parole.

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