Dans le futur, on travaillera avec les intelligences artificielles et les robots, mais on ne sera pas remplacé par eux. C’est la vision optimiste d’Eric Schmidt, Président exécutif d’Alphabet, maison mère de Google. L’intelligence artificielle permettra de déterminer les meilleures intelligences artificielles pour répondre à un problème. Google y travaille.
Pour sa deuxième édition, l’événement Vivatech a accueilli le président exécutif d’Alphabet Inc., maison mère de Google le 15 juin dernier. L’intelligence artificielle était au cœur des débats et Eric Schmidt a apporté son éclairage dans un domaine où Google ouvre résolument la voie.
Abondance et intelligence
« Nous sommes passés de l’âge de l’abondance, à l’âge de l’intelligence, » statue-t-il. « Pendant l’âge de l’abondance, nous avons atteint notre objectif de connecter le monde entier. A terme, la plus grande partie des habitants de la terre seront connectés à Internet, essentiellement via leur smartphones. Dès lors, ils accèderont à plus d’informations, de connaissances et d’intelligence,» se réjouit le dirigeant.
Dès lors que chaque terrien sera connecté, celui-ci va générer des données, une mine d’or pour les intelligences artificielles de Google et des entreprises. « Dès lors que cette infrastructure sera en place, beaucoup de choses deviendront possible. Cette abondance d’informations va nous permettre de complètement rebâtir le monde. Je suis persuadé que l’abondance d’information est une très bonne chose, » poursuit-il.
Eric Schmidt plaide pour le progrès scientifique. Alimentation, impression 3D de logements, développement de nouveaux médicaments ou encore améliorations à venir dans le domaine de la formation et de l’éducation. Un progrès qui passe aussi par des disruptions majeures sur de nombreux marchés. Uber, AirBnB, Skype ou encore Netflix. « Ce qui se passe aujourd’hui, c’est que les plateformes évoluent de manière itérative de plus en plus rapidement, sont en concurrence brutale. Cette compétition rend les services moins chers, » vante-t-il.
Classique peur du changement
Reprenant divers exemples de peur du progrès, Eric Schmidt s’amuse à citer ces scientifiques du 19ème siècle qui craignaient que les voyageurs ne meurent d’asphyxie dans les trains en traversant les tunnels ou encore la célèbre déclaration du PDG d’IBM qui estimait à cinq seulement le besoin d’ordinateurs dans le monde.
L’anecdote préférée d’Eric Schmidt est visiblement celle d’un certain Steve Ballmer, ancien patron de Microsoft, qui estimait en 2012 que l’iPhone n’avait aucune chance de prendre des parts de marché significatives ! « Les gens résistent toujours aux changements et je comprends qu’il y ait des peurs, de la désinformation, notamment sur le risque de cyber-guerre, mais je suis convaincu que cela n’arrivera pas et j’espère que nous allons vers un monde meilleur, » veut-il rassurer.
Quelques heures avant le discours d’Emmanuel Macron, Président de la République, sur Vivatech, discours pro startup, Eric Schmidt ajoute : « j’ai ressenti en France, avec l’élection d’un nouveau Président, un formidable élan d’optimisme. »
La gestion des stocks devient clé
Afin d’étayer son argumentaire en faveur de l’essor de l’intelligence artificielle, le président d’Alphabet multiplie les exemples : traduction automatique en temps réel, voitures autonomes, diagnostic médical en ophtalmologie ou en dermatologie, notre quotidien sera environné de services innovants grâce à des algorithmes d’intelligence artificielle. S’appuyant sur les résultats d’une enquête McKinsey diffusée lors de l’événement, Eric Schmidt souligne que tous les secteurs d’activité seront touchés par cet essor de l’intelligence artificielle.
« Si on prend l’exemple du secteur de la mode, il s’agit de choisir des articles en fonction de leur style pour telle ou telle cible, d’acheter diverses tailles et de livrer aux clients. Le Machine Learning sait déjà faire tout cela, » présente-t-il.
« Dans ce secteur où les marges sont si faibles, une bonne gestion des stocks fait la différence entre les bénéfices ou la banqueroute, » pointe Eric Schmidt. Autre exemple cité, celui des datacenters de Google où les algorithmes d’intelligence artificielle ont permis au géant américain d’améliorer de 15% l’efficacité énergétique de ses infrastructures.
Les populations ont peur
Si les gains engendrés par l’intelligence artificielle peuvent s’avérer significatifs, il a été impossible au dirigeant d’éluder la peur des populations face à aux destructions d’emplois que pourraient causer les intelligences artificielles et les robots.
« De tous les cas que nous avons étudiés, partout où l’usage des ordinateurs s’est accru, les salaires ont grimpé, » affirme Eric Schmidt. « Un usage intelligent de ces technologies dans les entreprises, dans les écoles et par les gouvernements génère des retours, » ajoute-t-il.
« Beaucoup de gens ont peur de la destruction d’emplois que pourrait entrainer l’intelligence artificielle, mais je ne partage pas cette vision. L’étude de McKinsey montre que s’il est vrai que 40% des tâches pourront être automatisées à l’avenir, moins de 10% de ces postes pourront être automatisés à plus de 90%, » relève-t-il.
« Le futur, c’est que l’on travaillera avec les intelligences artificielles, les robots, mais qu’on ne sera pas remplacé par eux. Dans de nombreux pays, la population vieillit. Comment faire pour la population qui travaille soit plus productive et faire vivre le reste de la population ? Je suis convaincu que face au manque de main d’œuvre, les ordinateurs devront être plus intelligents, » insiste-t-il.
Vers une accélération du rythme des innovations
Revenant sur la notion d’âge de l’intelligence, Eric Schmidt explique pourquoi l’intelligence artificielle va accélérer le rythme des innovations, notamment au travers d’une capacité que le cerveau humain n’a pas : partager son savoir.
« On peut apprendre à une voiture à tourner à gauche. On peut apprendre une autre voiture à tourner à droite. Cela n’a rien de très utile, par contre si ces deux voitures peuvent échanger leur apprentissage, alors ces deux voitures pourront tourner à gauche ou à droite, » décrit-il.
« C’est quelque chose que les humains ne peuvent faire ! Un physicien ne peut donner ses connaissances à un chimiste et vice-versa. Les machines peuvent échanger leur apprentissage et cela va nous donner l’opportunité d’apprendre énormément de nouvelles choses, » annonce-t-il.
Evoquant un échange avec un ami physicien à qui il demandait quelle pouvaient être la meilleure chose que Google pourrait lui apporter, Eric Schmidt rapporte : « il m‘a répondu qu’il y a tellement de recherches publiées, tellement de discours et d’informations disponibles, que ce dont il voudrait disposer, c’est d’une intelligence artificielle qui puisse tout lire, tout connaitre et qui puisse ainsi suggérer de nouvelles combinaisons. »
Une intelligence artificielle sélectionne d’autres intelligences artificielles
Une intelligence qui ne se contente pas d’agir en fonction de son apprentissage, mais qui propose des solutions innovantes. C’est la voie que poursuit aujourd’hui Google avec sa technologie Auto ML (Automatic Machine Learning). « On donne un problème à Auto ML et celle-ci va construire les multiples solutions possibles à ce problème. Elle produit de multiples réseaux de Deep Learning et essayer chaque solution jusqu’à déterminer la meilleure d’entres elles. »
Devant la débauche de puissance que vont nécessiter de telles intelligences artificielles auto-apprenantes, Eric Schmidt rappelle que Google vient de dévoiler des processeurs conçus spécialement pour faire fonctionner ces réseaux de neurones artificiels, les Tensor processing units.
« Ces unités de calcul spécialisées dans les calculs mathématiques sont des dizaines de milliers de fois plus rapides que les architectures traditionnelles. Non seulement l’ordinateur peut apprendre, mais il peut aussi inventer. Cela signifie que tout le monde pourra utiliser ces technologies et les processeurs spécialisés qui seront au cœur de cette évolution vont voir leur puissance s’accroitre d’un facteur 1000. »