Face à la crise, Mr. Bricolage propose la location d’outils entre particuliers

Mr. Bricolage « s’überise » lui-même. L’enseigne de bricolage lance La Dépanne, le premier site où les bricoleurs louent ou vendent leurs outils entre eux au risque de contourner ses propres magasins spécialisés. Une attitude suicidaire ? En fait, Jean-François Boucher, son PDG explique comment il compte en profiter pour amener du trafic en magasin. 

C’est un sacré pari que tente l’enseigne M. Bricolage en prenant part à la sharing economy ou économie de partage. L’enseigne aux quelque 800 points de vente de proximité lance ce 9 avril, La Dépanne, un site communautaire qui vise à fédérer les bricoleurs, novices ou expérimentés. « La sharing economy bouscule le marché du bricolage » annonce le PDG de l’enseigne Mr. Bricolage.

Sur cette plateforme, les particuliers peuvent louer, acheter ou vendre des outils d’occasion – de la perceuse à l’engin de chantier – ou simplement échanger des conseils. « Une première mondiale », s’enthousiasme Jean-François Boucher, PDG du groupe de commerçants indépendants. Au risque de scier la branche où il est assis ? Il s’en défend. Il a répondu aux questions de La Revue du Digital le 9 avril.

Pourquoi lancer La Dépanne, site d’entraide communautaire ?
Jean-François Boucher : avec la crise et la baisse du pouvoir d’achat, les modes de consommation évoluent. Alors qu’il était rassurant de posséder par le passé, 83 % des Français privilégient aujourd’hui l’usage plutôt que la propriété selon une récente étude de L’Observatoire Société et Consommation (ObSoCo). La sharing economy ou économie du partage pèse déjà 12 milliards d’euros dans le monde.
Mr. Bricolage fête ses 35 ans d’existence cette année et véhicule ces valeurs de service, d’entraide. En tant qu’enseigne numéro un de proximité, nous devons, nous commerçants, changer de mentalité et proposer des alternatives au tout achat. C’est que nous demandent les clients. Le groupe a été créé en 1965 dans cet esprit avec l’ANPF, l’Association Nationale des Promoteurs du Faites-le-vous-même.

Que propose le site ?
Jean-François Boucher : prenons l’exemple d’une bricoleuse standard. Elle est comme tous les Français. Elle utilise sa perceuse en moyenne douze minutes par an ! Plutôt que de la laisser prendre la poussière, elle la propose en location à 20 € par jour. Ce qui fait l’affaire d’un autre utilisateur à la recherche d’une perceuse pour un besoin ponctuel. En plus, celle qui loue est bien notée par la communauté. La contractualisation se fait entre eux via la plateforme. Mr. Bricolage ne s’immisce pas et ne prélève pas de commission. On ne propose pas de mode de paiement en ligne, juste un contrat type.
La perceuse en main, celui qui loue peut retourner sur la plateforme pour demander des conseils à la communauté sur la façon de s’en servir ou voir un des tutoriels vidéos de Mr. Bricolage. Toute transaction est récompensée sous forme de points. Avec 1000 points cumulés, vous avez un bon d’achat de 10 € chez Mr. Bricolage.

Vous ne craignez pas de cannibaliser vos propres magasins ?
Jean-François Boucher : la sharing economy est une lame de fond, que l’on veuille ou non. Autant surfer dessus. Et puis La Dépanne est alignée sur la stratégie « web to store » de Mr Bricolage. Avec les bons d’achat, nous allons inciter les internautes à se rendre en magasin. Par ailleurs, nous proposerons nos propres offres à côté des offres de location ou d’occasion des particuliers. Par exemple des mèches pour la perceuse louée ainsi que celles de notre partenaire Kiloutou.
Ce partenariat avec Kiloutou qui remonte à deux ans pouvait déjà paraître antinomique à l’époque. Pourquoi louer un outil dans un espace où je peux l’acheter ? Là aussi, avec La Dépanne, nous sommes dans la rupture. Ce projet n’est pas né de nulle part mais des remontées de groupes de consommateurs. Il a mûri pendant un an avec l’aide de Publicis.

Pourquoi pensez-vous que cela va amener des clients en magasin?
Jean-François Boucher : il s’agit avec ce service novateur d’incarner le modèle du commerçant de demain et de rajeunir notre image, sachant que la moyenne d’âge de notre clientèle est de 53/54 ans. C’est une formidable opportunité d’adresser de nouveaux clients. La Dépanne va drainer un flot d’internautes pour les « pusher » en magasins. Nous avons déjà réuni nos onze bases données en une seule de 1,5 million de clients. Pour faire connaître le site, nous lançons une grosse campagne de recrutement pendant deux mois sur Facebook, Youtube et Google, suivie en juin de spots radio.
Et nous allons entamer un tour de France de quinze jours pour expliquer le concept de La Dépanne à nos adhérents. Ils peuvent être désorientés dans un premier temps mais je pense qu’ils seront fiers que Mr. Bricolage soit le premier distributeur à prendre ce chemin plutôt que de suivre le mouvement.

Les ventes sur internet sont une goutte d’eau dans le chiffre d’affaires de Mr Bricolage

Mr Bricolage - 2Le but de la présence en ligne de Mr Bricolage n’est pas tant de faire du chiffre que de générer du trafic dans ses points de vente. « On le sait, de plus en plus d’acheteurs s’informent sur la Toile, comparent les prix puis se rendent en magasin » décrit Jean-François Boucher, PDG de Mr Bricolage.

En 2012, la société a racheté « Le Jardin de Catherine » et ses deux sites : le-jardin-de–catherine.com et la-maison-de-catherine.com. « Nous avons alors acquis de l’expertise et des compétences techniques plus que du chiffre d’affaires » décrit Jean-François Boucher.

C’est la philosophie qui a prévalu à la création du site marchand, Mr-Bricolage.fr, lancé fin 2012. En 2014, il a fait 15,7 millions d’euros, à comparer aux 2,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires du groupe.

« Mais avec ses 2 millions de visiteurs uniques et 46 000 références, le site permet de montrer l’étendue de notre offre » se félicite le PDG. Le site indique aussi ce qui est disponible dans le magasin le plus proche avec une possibilité de retrait dans les deux heures. Le consommateur a la possibilité de se faire livrer en magasin ou chez lui. « Nous réfléchissons aussi à une formule de réservation durant 2 heures. Le produit est bloqué en magasin et le client peut avoir le conseil d’un vendeur pour valider son choix ou faire des achats complémentaires » précise-t-il. Enfin, 250 magasins ont leur propre site web.

 

Xavier Biseul

Xavier Biseul est journaliste. Il est spécialisé dans la transformation numérique des entreprises et les thématiques associées : l’e-commerce, le Big data, les médias sociaux, le marketing digital, le CRM, l’écosystème des startups. Il dispose également d’une connaissance approfondie du marché de l’emploi IT.

Une réaction sur “Face à la crise, Mr. Bricolage propose la location d’outils entre particuliers” :

  1. Louis Gaillard

    Personnellement, je crois que c’est bien qu’on ait l’occasion de louer ou de vendre nos outils entre nous. Parfois, j’ai besoin d’un outil, mais seulement pour quelques heures, après quoi je n’en aurai pas vraiment besoin pour quelques semaines ou quelques mois. En tout cas, je vous remercie de ce partage sur la proposition de la location d’outils par cette entreprise, et je vous souhaite tous une bonne continuation.

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