Le lundi 17 mai, TF1 et M6 ont annoncé leur projet de fusionner. Dans les faits il s’agira plutôt d’une acquisition de M6 et de RTL qui fait partie du groupe M6 par TF1. Il y a loin cependant de la coupe aux lèvres tant la création de ce futur géant des médias hexagonal soulève de questions.
Un poids prépondérant sur le marché publicitaire TV
Les deux groupes réunis pèsent 75% du marché publicitaire de la télévision et plus de 40% de l’audience TV gratuite. On peut craindre que le nouvel ensemble grâce à sa puissance ne puisse dicter sa loi et ses prix sur le marché. On s’interroge sur l’impact sur les tarifs de vente de la publicité TV par le groupe, sur les prix d’achat des contenus audiovisuels, sur l’emploi, sur l’influence digitale du nouvel ensemble, sur la facturation des fournisseurs d’accès à internet, Orange et Free, qui diffusent les programmes TV de TF1 et M6 via leurs box et enfin, sur le poids politique du nouvel ensemble au vu de l’importance de son audience.
Les deux groupes indiquent réagir à l’accélération de la concurrence des plateformes numériques mondiales, à l’instar de Youtube ou de Facebook, actives sur le marché publicitaire français. TF1 et M6 constatent une forte évolution de la consommation vers des contenus de vidéo à la demande (VOD ou Video On Demand). Gilles Pélisson, PDG de TF1 parle de la création « d’un acteur majeur français du total vidéo ».
Les deux groupes veulent accélérer le développement d’une plateforme nationale combinant une offre de TV de rattrapage et de streaming, qui sera fondée sur MyTF1 et 6play et une offre de SVOD (VOD sur abonnement). Ils veulent développer des technologies de pointe en publicité adressée et en streaming en s’appuyant sur les actifs de TF1 et sur la plateforme Bedrock, détenue conjointement avec RTL Group. Nicolas de Tavernost, Président du Directoire de M6, parle de cette consolidation comme « d’une impérieuse nécessité pour continuer de jouer un rôle prédominant face à une concurrence internationale exacerbée. »
Des économies estimées entre 250 et 350 millions d’euros
Le potentiel de réduction des coûts du à la fusion des deux groupes est important car leurs activités sont similaires et que de nombreux services internes font doublons. Les économies sont estimées dans une fourchette de 250 à 350 millions d’euros annuels à l’issue des 3 premières années d’activité suivant la clôture de la transaction. Etonnamment, dans le cadre de l’opération, Nicolas de Tavernost sera nommé PDG du nouvel ensemble fusionné. Quant à Gilles Pélisson, il hérite de la fonction créée pour l’occasion de Directeur Général Adjoint du groupe Bouygues en charge des médias et du développement.
Le nouveau groupe pèserait 3,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Bouygues, maison mère de TF1, détiendrait 30% du nouveau groupe et RTL Group, maison mère de M6 et RTL, aurait 16%. Bouygues ferait ainsi l’acquisition de 11% du nouveau groupe auprès de RTL group pour 641 millions d’euros. Bouygues serait l’actionnaire de contrôle exclusif. Le projet qui s’enclenche est à long terme puisque la finalisation de la transaction est visée d’ici la fin de 2022.
L’enjeu clé sera d’obtenir les autorisations réglementaires de l’Autorité de la concurrence et du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel. Certaines petites chaînes pourraient être vendues, et le nouveau groupe pourrait maintenir les régies publicitaires de TF1 et M6 actives en concurrence. Quant aux fréquences, le nouveau groupe en posséderait 10, or il le maximum est fixé à 7 par la loi et il lui faudra donc en céder certaines. Le groupe M6 détient cinq fréquences (M6, W9, 6ter, Gulli, Paris Première) et TF1 possède aussi cinq chaînes (TF1, TMC, LCI, TFX, TF1 Cinéma Séries).