Un bot pour chaque usage et tout se passera bien. C’est le conseil de Xavier de Baillenx, en charge d’une cellule d’innovation chez Meetic, spécialiste de la rencontre.
Pivotage vers les bots en 2016
Entrepreneur, il avait cofondé une startup « Pretty Fun Therapy » rachetée par Match en janvier 2016. La startup travaillait dans les outils de développement logiciel pour mobile et a pivoté vers les chatbots une fois rachetée par Match, après que Mark Zuckerberg, patron de Facebook ait ouvert officiellement la voie aux bots.
Match est la maison mère de Meetic et leader mondial de la rencontre avec des marques comme Tinder entre autres. Xavier de Baillenx a pris la parole à l’occasion de l’événement Cloud Expo à Paris, le 15 novembre. Il considère que les chatbots sont comme des nourrisons, ils ont des capacités de langage limitées, mais ils ont un potentiel énorme. Ses conseils sont simples : il faut créer un bot par fonction. Il faut modulariser.
1 assistant par besoin métier chez Meetic
L’agent a des intentions
Un agent est un ensemble d’intents (d’intentions). Par exemple, si vous dites « bonjour », le bot va répondre « bonjour. » C’est un mélange entre ce que dit l’utilisateur et ce que va répondre le chatbot, des contextes, des paramètres et des actions. Par exemple, si un utilisateur demande un certain profil de partenaire, le bot va devoir se brancher sur le système d’information de Meetic pour le récupérer et le lui transmettre.
Les trois agents de Meetic sont réunis sous le nom de Lara – active en Europe uniquement – mais ce sont bien trois intelligences différentes qui sont à l’oeuvre en coulisse, gérés comme trois projets différents et autant de métiers différents. L’efficacité de chaque bot est mesurée selon son propre indicateur (KPI) : le taux d’inscription, le taux de rétention et le taux de satisfaction.
Piloter chaque assistant avec son propre KPI
400 000 internautes en contact par mois
Lara interagit avec 400 000 internautes par mois après un an et demi de mise en service. Pour la création de compte, Lara parle dix langues différentes et on peut l’appeler depuis les sites Web de Meetic et via Messenger de Facebook.
30% d’efficacité supplémentaire grâce au bot par rapport à un formulaire
Pour l’aide sur le site de Meetic, le customer care, Lara intervient, l’interaction comprend 5 langues différentes. Elle réagit par exemple si on fait deux échecs de mot de passe. Plus de 100 000 utilisateurs reçoivent de l’aide par ce canal chaque mois afin de retrouver leurs « credentials ». Quant à l’assistant qui propose un partenaire à l’internaute, il fait 10 000 propositions par jour. Il utilise la compréhension du langage naturel.
« On demande à l’utilisateur de décrire sa personne idéale en une phrase, » indique Xavier de Baillenx. Le chatbot va essayer de comprendre la description et proposer un profil. « Si l’internaute réagit en disant par exemple que la personne proposée est trop jeune pour lui, le bot va s’adapter et proposer une personne dans la bonne tranche d’âge, » décrit-il. Cet agent est plus simple en nombre d’intents mais beaucoup plus complexe car il doit comprendre le langage naturel.
Compréhension du langage naturel
« Il existe deux aspects dans un bot. D’un côté, il y a la compréhension du langage naturel, le natural language understanding, » dit-il. Grâce à l’intelligence artificielle, et à de l’apprentissage, le bot comprend les intentions de l’interlocuteur. Il transforme une phrase humaine en « phrase machine« . C’est là qu’il faut faire intervenir des Data Scientists, des mathématiciens qui utilisent le langage de programmation Pyhton.
Le bot comprend les intentions successives de l’internaute
En ayant accès aux intentions de l’internaute, grâce au décodage du langage humain, transformé en langage machine, le designer de l’interface conversationnelle fait en sorte que la réponse adéquate soit apportée à l’internaute, à partir d’un ensemble de réponses priorisées a priori par Meetic, à la façon de la recherche de réponses dans un arbre de décision. « C’est du déclenchement d’intent en fonction d’un contexte. C’est de l’ergonomie conversationnelle, une nouvelle matière, » précise l’expert. Il n’y a pas de Machine Learning sur cet arbre de décision.
Garder le contrôle sur les réponses
« Nous voulons conserver le contrôle de ces réponses, » insiste Xavier de Baillenx. « Certains utilisent l’intelligence artificielle afin d’enrichir les réponses au fur et à mesure des interactions avec les internautes. Ce n’est pas le choix que nous avons fait aujourd’hui, » dit-il. Il rappelle que le bot Tay de Microsoft est devenu raciste en apprenant de ses interactions sur le web et ce n’est pas la voie suivie par Meetic.
Nous voulons conserver le contrôle des réponses de notre bot
Dès lors, le designer d’interface de Meetic fait répondre à Lara « Hey, so glad to meet you » (réponse au Greeting), puis « Thx for the Luv but I’m only a robot, » (en réponse au flirting with box) et enfin « I’d be happy to introduce you to nearby singles. Where do you live ? » (afin de compléter le profil de l’internaute).
Les designers d’interfaces conversationnelles vont devenir clé, estime Xavier de Baillenx. Ce sont eux qui vont concrétiser le ton que l’entreprise décide d’employer pour interagir avec ses clients. « C’est le nouveau design. Nous avons fait un A/B Testing lors de l’inscription, afin de tester Lara interagissant de manière neutre, et une Lara faisant de petites blagues, » dit le responsable.
Choisir le ton de son bot
Faire des blagues améliore le taux de conversion
Un des défis est encore de comprendre tout ce que l’internaute écrit. L’apprentissage, l’entraînement, de Lara se fait au fil du temps. Par exemple, si l’internaute écrit avec une faute d’orthographe « Hey Lara. Hru ? Im looking for a wamon. » Lara va poser des questions sur Hru (How are you) et wamon (au lieu de woman) afin qu’il clarifie son propos. Ce qui permet à Lara d’apprendre.
Bien que Meetic ait recours aux bots, pour autant il ne faut pas tout faire écrire à l’internaute, prévient le responsable. « S’il faut savoir s’il cherche un homme ou une femme, proposez lui les deux choix afin qu’il coche, cela ne sert à rien de le lui faire écrire. Le lecteur est souvent fainéant, il faut aller à l’essentiel, » dit-il.
Echec du formulaire à choix fermés
Une phrase ouverte va à l’essentiel mieux qu’un formulaire
« Notre philosophie est de plus en plus internaliser la connaissance, et de plus en plus développer nous mêmes les outils. Mais les premiers tests peuvent être faits avec les outils du marché, » conclut-il en forme de conseil aux entreprises qui débutent dans la création de bots.
Et en forme de clin d’oeil au savoir faire français, il recommande de se tourner vers la startup recast.ai, dont les APIs font de la détection d’intentions. Une startup qui avait d’ailleurs participé à l’événement Startups & DSI organisé il y a un an par la Revue du Digital et distinguée pour sa capacité à accélérer le développement de bots.