Pour que le Cloud décolle en France, il faut que l’Etat adopte lui-même le Cloud Computing. Et pour cela, « il faut que la loi de finance permette aux organisations publiques de louer des ressources et non devoir les acheter via leurs budgets d’investissement. » C’est ce qu’a résumé Octave Klaba, directeur général d’OVH, le célèbre hébergeur Web, en ouverture de la conférence Cloud Computing qui s’est tenue le 9 décembre, dans le cadre du ministère des finances à Bercy.
Demandez 5% de réduction des coûts
« Il faut passer du Capex à l’Opex. On alloue actuellement aux organisations des budgets pour acheter des serveurs ou des logiciels mais pas pour les louer. Il faut faire évoluer la loi de finance qui est à la base de cela » demande Octave Klaba.
Dans ce cadre, il y aura de nouvelles manières d’acheter à définir, poursuit-il. Il recommande aux organismes publics de challenger les fournisseurs. « Faites un appel d’offres et demandez une réduction des coûts opérationnels de 5% à périmètre constant » conseille-t-il aux instances publiques.
Les fournisseurs de Cloud comme des compagnies aériennes
Dans ce nouveau paysage, « les responsables informatiques doivent devenir une tour de contrôle et les fournisseurs de Cloud doivent devenir des compagnies aériennes » conclut-il. Pour Octave Klaba, le Cloud enlève un gros bout de la complexité technique de l’informatique afin que l’entreprise puisse se concentrer sur son activité.
Les freins au Cloud sont également humains, avec la nécessaire prise en compte de la peur et de la gestion du risque. « On est encore attaché à sa salle de serveurs, parce qu’on peut les voir et les toucher. Il faut passer à la gestion de flux, et donc les DSI doivent devenir des tours de contrôle qui font en sorte que les voyageurs arrivent à bon port et à l’heure » décrit-il.
Un appel à l’union
Octave Klaba a également lancé un appel à l’union des prestataires européens de Cloud. « Les entreprises américaines travaillent ensemble, alors qu’en Europe, on se concurrence sur les mêmes services. » Il faut dire qu’il subit la concurrence directe de Cloudwatt et de Numergy, deux opérateurs de Cloud financés par l’état et qui doivent encore faire leurs preuves.
Le DG d’OVH est un partisan de la spécialisation. Pour lui, les fournisseurs d’internet doivent être des spécialistes qui délivrent les meilleurs services chacun dans sa spécialité. ‘Il faut se concentrer sur un métier pour continuer à innover » dit-il, tout en regrettant – il a évoqué cet aspect par sous entendu – que les opérateurs télécoms n’aient pas noué de partenariat avec sa société, et préfèrent laisser partir des clients vers des prestataires de Cloud américains.
Une grosse tartine
Au final, il illustre cette nécessité de se concentrer sur quelques spécialités si l’on veut être bon par une image : « sinon c’est comme étaler le peu de beurre sur une tartine trop grosse, ça n’a pas de goût » conclut-il.
Photo : Octave Klaba, Directeur général d’OVH le 9 décembre.
« Pour que le Cloud décolle en France » peut-être, mais est-ce vraiment l’intérêt de l’Etat pour ses propres besoins ?
De mémoire, les administrations centrales de l’Etat doivent avoir quelque chose comme 120 datacenters.
Dès lors, avant d’aller chercher des capacités d’hébergement supplémentaires, en traditionnel ou en cloud computing, il faudrait déjà qu’elles tirent tout le potentiel de leurs capacités existantes…
Or c’est justement ce que rendent possibles les techniques du Cloud Computing en permettant, sous réserve du bon niveau d’automatisation, de n’instancier à un instant T donné que les environnements informatiques strictement nécessaires.
Ces mêmes administrations centrales pourraient également chercher à mutualiser leurs ressources informatiques et humaines en adoptant une solution de Cloud commune gérée à partir de leurs différents sites, ce qui serait certainement plus simple que de réduire leur nombre de datacenters et de muter les personnels d’exploitation associés (avec toutes les difficultés de changements de statuts).
En résumé, l’intérêt immédiat de l’Etat me semble plutôt être de généraliser une solution de cloud computing privé sur ses datacenters, plutôt que de « subventionner » tel ou tel offreur de Cloud national.
Quant à ces offreurs, on peut se demander s’ils ont vraiment besoin du soutien de l’Etat pour développer leurs offres ou devenir des champions internationaux. A voir OVH, on a l’impression qu’ils se débrouillent suffisamment bien seuls…