« L’intelligence artificielle dans les RH c’est très souvent du marketing »

Jérémy Lamri, DG de Monkey Tie et cofondateur du LabRH, 12 décembre

L’intelligence artificielle dans les RH c’est encore très souvent du marketing. Et de toute façon, mieux vaut éviter l’usage de l’I.A. pour des raisons d’éthique liées à l’aspect boîte noire de cette technologie. C’est ce que défend Jérémy Lamri, directeur général de Monkey Tie et cofondateur du LabRH.

400 startups au LabRH

Sa société existe depuis 5 ans et affiche déjà 1800 entreprises clientes. Elle réalise de l’orientation et de la présélection pour du recrutement et de la mobilité interne via du matching affinitaire. Quant au LabRH, il réunit 400 startups dans les RH en France. Jérémy Lamri s’est exprimé le 12 décembre à l’occasion d’une présentation des enjeux liés à l’intelligence artificielle.

Les apprentis sorciers du Machine Learning

« Nous refusons le principe du Machine Learning en production. Aujourd’hui, pour nous, le Machine Learning est un outil de recherche et développement, » tranche le dirigeant. « Ceux qui utilisent le Machine Learning dans les RH sont des apprentis sorciers, » reprend-il. « Il y a de plus en plus de sociétés qui utilisent le Machine Learning dans les RH. Mais ce qu’il faut voir c’est que très souvent c’est du marketing. Si on pouvait réduire la carrière de quelqu’un à quelques données historiques, cela se saurait, » résume Jérémy Lamri.

Il promeut la transparence sur les algorithmes, sur les critères utilisés et les poids de chacun de ces critères afin de vérifier que les bonnes pratiques sont appliquées d’un point de vue légal et en respectant la culture propre à chaque entreprise. L’algorithme proposé par sa société Monkey Tie pour sa part comprend 20 à 40 critères à régler pour chaque type de poste et d’entreprise cliente.

Le Machine Learning est une boîte noire

« Quand il faut faire correspondre des personnes à des formations, des métiers, des parcours de carrière, on doit être capable d’identifier les critères et les poids de ces critères. Alors qu’avec le Machine Learning, on va vous dire que la machine va identifier des modèles de données, » dit-il. Il estime que le Machine Learning est de la recherche et développement qui permet d’améliorer ce que son logiciel fait déjà mais qu’il ne doit pas être utilisé en production pour traiter directement les résultats.

Une charte des bonnes pratiques numériques dans les RH en janvier

Sous son impulsion, le LabRH est en train de finaliser une charte éthique des bonnes pratiques sur l’utilisation du numérique dans les RH. Elle sera publiée début 2018. Elle est co-construite avec la Cnil, la CFE CGC, et le ministère du travail. « Cette charte prend de l’avance sur la RGPD. Nous voulons créer à la fois des outils utiles et responsables, » présente-t-il.

Dans le même temps, cette arrivée de l’intelligence artificielle s’effectue dans le domaine RH très immature en termes de technologies numériques. Le responsable souligne que les RH sont très en retard en matière de numérique. « Dans les RH, on a une connaissance très faible des sujets liés au digital. C’est pour cela que dans toutes les RH qui sont capables de parler du digital, ce sont des gens qui ne viennent pas du sérail. Ce sont des gens qui viennent du marketing ou de l’IT beaucoup, et certains des opérations, » pointe-t-il.

Expliquer les critères et le poids de chaque critère

Des algorithmes que personne ne peut expliquer

« On doit être capable d’expliquer comment fonctionne un algorithme, les critères et les poids, car l’algorithme est censé reproduire les meilleures pratiques. Et on doit savoir montrer comment on s’est assuré que c’est bien le cas, or ce n’est pratiquement jamais le cas, » regrette le dirigeant. Auditionné par la Cnil il y a deux semaines, il a recommandé un organisme tiers de validation des algorithmes pour tous les enjeux critiques.  « Qui s’assure que l’algorithme est bien fait ? Aujourd’hui les éditeurs de logiciel de RH ne donnent pas leurs algorithmes parce que c’est leur propriété intellectuelle, » déclare-t-il.

Il cible alors le grand nuage marketing des éditeurs qui vendent un algorithme pour les RH, en le vendant pour tout, en expliquant que cet algorithme est super et incroyable, qu’il fait du Machine Learning, qu’il fait un peu tout, et qu’il va permettre d’identifier les candidats avec 30% de fiabilité en plus. Bref, un discours marketing et commercial appelé à mieux étoffer son argumentaire.

Le matching prédictif devrait être illégal

Prédire le parcours professionnel d’une personne est le meilleur moyen pour désagréger les performances d’une entreprise. Ce matching prédictif est descendu en flammes par Jérémy Lamri. « A partir du parcours de carrière de millions de personnes, sur les dix dernières années, on va vous expliquer quel peut être votre parcours de carrière dans les dix prochaines années. Pour tout un tas de raisons, je trouve que cette approche devrait être quasiment illégale, » débute le DG. Pourquoi ? La statistique n’aime pas la diversité, répond-il, si le passé était exemplaire et que l’on y trouvait les meilleures pratiques, cela se saurait,  de plus, le monde change, les parcours de carrière d’il y a dix ans n’ont plus rien à voir avec les parcours de carrière des dix prochaines années.

Et de citer l’exemple de Google qui utilisait un algorithme de gestion de carrières il y a 6 ans. « Google était capable de montrer le parcours de carrière d’un recruté sur les 10 prochaines années. Cela permettait de mettre quelqu’un sur des rails, » décrit Jérémy Lamri. « Google a arrêté cela et pourtant cela marchait très bien. Mais cela créait un désengagement profond. Au départ, c’était un vrai sujet de performance et d’anticipation, mais le fait que cela désengage des gens et que cela en fasse partir certains, chez Google ils se sont rendus compte qu’ils avaient oublié un paramètre : il faut que les gens se sentent un peu responsables de leur parcours de carrière, » conclut-il.

 

 

Une réaction sur “« L’intelligence artificielle dans les RH c’est très souvent du marketing »” :

  1. Damien Levesque

    C’est plus que pertinent comme article. Le Machine Learning est effectivement le meilleur modèle pour tirer profit des bénéfices de la technologie et l’étude du comportement humain. L’analyse prédictive donne un aperçu sur le potentiel de la performance, l’engagement au travail, et la loyauté.

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