Les projets omni-canal ont le vent en poupe dans les entreprises. On les considère comme des projets techniques alors qu’il s’agit en fait de changer toute l’organisation. Les Galeries Lafayette, le groupe April et le site houra.fr ont témoigné lors du salon e-commerce.
L’omni-canal est un projet d’organisation d’entreprise. Pas un projet technique. C’est l’opinion de Frank Zayan directeur Internet et e-commerce des Galeries Lafayette, Isabelle Moins, directrice du numérique du groupe d’assurances April et Nicolas Le Hérissier directeur marketing et communication de Houra.fr, le supermarché en ligne. Ils ont témoigné lors du salon e-commerce de septembre dernier à l’occasion d’une table ronde.
Revoir la totalité de l’entreprise
Dans cette évolution, le Marketing, le Digital et la DSI doivent travailler main dans la main avec le client pour objectif. Les prouesses technologiques des équipes informatiques n’auront guère été valorisées durant la table ronde car pour les trois responsables, le pré-requis de l’omni-canal c’est la gouvernance et l’organisation de l’entreprise. « Il faut revoir la totalité de l’entreprise » avertit Frank Zayan des Galeries Lafayette. « Tous les rôles vont changer. Le Comex doit porter ce changement dans toute l’entreprise » dit-il.
Il cite comme meilleur exemple de transformation en Cross Canal, celui de l’enseigne britannique John Lewis, un distributeur d’électronique, d’ameublement et de mode. En 2008, tous les collaborateurs de cette entreprise ont été impliqués et incités au changement. Appliqué au Galeries Lafayette, cela passe par le fait de commencer par faire travailler ensemble l’équipe marketing du Web et celle des magasins. De même, « le rôle de celui qui est en contact avec le client change » prévient Frank Zayan, « le vendeur est l’ambassadeur du changement. »
Les vendeurs de BestBuy étaient mauvais
L’importance du vendeur est illustrée par ce qui s’est passé chez BestBuy, une chaîne de matériels électroniques américaine, indique Frank Zayan. Les boutiques de BestBuy étaient devenues le show room d’Amazon. « Ils ont analysé les parcours des clients, » décrit le directeur e-commerce. Constat : « les vendeurs de BestBuy étaient mauvais et le problème n’était pas que le client en sache plus que le vendeur. Les vendeurs n’arrivaient pas à établir une relation avec le client. » Frank Zayan donne alors comme exemple de bonnes pratiques pour les vendeurs le cas de Bloomingdales, la chaîne de grands magasins. « Le vendeur va vous raccompagner quand vous sortez du magasin. Et ensuite il va continuer la relation qu’il a initiée avec vous dans le magasin » décrit-il.
Ce qui aboutira à des emails signés du prénom du vendeur : « c’est André qui vous envoie des emails sur les produits, le lien se crée de personne à personne sous l’égide de la marque » se félicite-t-il. Actuellement, sur le terrain, les règles changent dans les magasins des Galeries Lafayette et les vendeurs doivent s’adapter. « Dans certains magasins, nous offrons du ‘Click and Collect’ associé à des services complémentaires pour renforcer le lien avec le client. Quand le client vient chercher le produit qu’il a commandé sur internet, on lui laisse ouvrir le carton, regarder le produit, l’essayer, faire un échange, obtenir un remboursement, ou acheter un produit complémentaire » décrit-il.
Un client omni-canal rapporte plus
Tout cela a des bénéfices : « un client omni-canal rapporte plus d’argent qu’un client multi-canal ou mono-canal » affirme Frank Zayan. Il semble de toutes façons que les Galeries Lafayette n’avaient pas le choix. « Nous faisons de l’omni-canal car nous n’avons pas le choix. Les nouveaux acteurs prennent des parts de marché aux magasins physiques » rappelle Frank Zayan. « Or le magasin est un avantage concurrentiel considérable. Nous essayons d’amener le client dans le magasin. »
Autre pilote en cours dans les magasins : la disponibilité produit. « Si le client vient et que le produit n’est pas dans le magasin, on lui offre la possibilité de le commander et de le recevoir chez lui ou de le chercher en magasin. Nous allons aussi proposer dans le magasin des produits qui n’y sont pas » décrit-il.
L’entreprise est profondément transformée
L’importance de l’organisation de l’entreprise est également confirmée par Isabelle Moins, directrice du numérique du groupe d’assurances April, 4000 collaborateurs. « L’omni-canal, c’est une transformation profonde d’entreprise, et on retrouve les problèmes d’organisation. » Elle insiste : « on voit les plateformes techniques, or c’est de l’organisation. » Elle décrit l’arrivée de l’omni-canal dans une entreprise, « le DG dit bien sûr qu’il est d’accord. Mais les entreprises ont une phase de résistance opérationnelle plus ou moins longue. » Sur le terrain, les équipes mettent du temps à changer.
Le métier de vendeur change … (Lire page suivante)
Photo, de gauche à droite : Frank Zayan des Galeries Lafayette, Isabelle Moins, du groupe d’assurances April, Nicolas Le Hérissier de Houra.fr et Régine Vanheems, chercheuse à la Sorbonne.