Le président Obama a ouvert les données des paiements effectués par le système de santé public Medicare. Les premières analyses montrent de très gros écarts de sommes perçues entre les médecins. A terme, c’est l’organisation de tout le système de santé qui pourrait changer.
C’est historique. La base de données des paiements effectués par le système de santé public américain Medicare – financé par les contribuables – a été ouverte au public. Les conséquences ne font que commencer. On apprend notamment qu’un groupe de docteurs a perçu plus de 3 millions de dollars chacun en 2012.
L’un d’entre eux a même reçu 21 millions de dollars. C’est une des découvertes de l’Associated Press (AP) qui a analysé les données sur les médecins rendues publiques par l’administration Obama dans le cadre de la politique de communication sur le coût du système de santé.
Un petit groupe de 344 médecins
Ce petit groupe de médecins ainsi mis en exergue est composé de 344 praticiens parmi les 825 000 médecins ayant été payés par le système Medicare. Pour ce petit groupe, le total des dépenses est de 1,5 milliard de dollars. Un médecin sur quatre dans ce groupe des plus payés – soit 87 – exercent en Floride. Il s’agit d’un état connu insiste l’AP pour son niveau de dépenses élevé auprès de Medicare et un haut niveau de fraude.
Toujours dans ce groupe, on trouve 151 ophtalmologues qui représentent à eux seuls 658 millions de dépenses. Quant aux spécialistes du cancer, ils pèsent pour 477 millions de dollars. L’AP avance une explication sur cette surreprésentation des ophtalmologues par leur usage d’un médicament, le Lucentis, très coûteux. Au global, 1% des médecins ont reçu 14% des 77 milliards de dollars de dépenses recensées. Le paiement médian s’est élevé à 30 265 $.
Action en justice
Si l’AP publie ces chiffres, c’est que jusqu’à ce mois d’Avril ces données étaient confidentielles. Les organisations de médecins étaient allées en justice pour en empêcher la divulgation, afin que l’on n’empiète pas sur la vie privée des médecins. Les employeurs, les assureurs, les groupes de consommateurs et la presse avaient demandé cette ouverture des données.
Leurs arguments étaient que cela permettrait de guider les patients vers les médecins qui délivrent des soins de qualité à un prix correct. Un juge a finalement levé l’obstacle principal, et l’administration Obama a informé l’American Medical Association qu’elle allait ouvrir ces données. Et en Avril 2014, The Centers for Medicare and Medicaid Services a publié les données sur plus de 880 000 médecins et autres prestataires médicaux qui ont collectivement reçu 77 milliards de dollars du système Medicare en 2012. Les données sont nominatives et identifient les médecins.
L’AP estime que l’analyse des données devrait permettre d’identifier les modèles de prise de décision des médecins par les chercheurs qui étudient ce qui amène au coût total de 2, 8 trillions de dollars annuels du système de santé.
Plus de mal que de bien
L’American Medical Association estime pour sa part que ces données, livrées telles quelles, hors contexte, vont faire plus de mal que de bien. Et qu’elles ne donneront pas d’indication sur la qualité des soins fournis par les médecins. De fait, de multiples raisons peuvent expliquer les coûts plus élevés de certains médecins par rapport à d’autres, telles que le coûts des équipements nécessaires, la taille des équipes aidant le médecin, l’âge moyen des patients, …. L’AP mise sur la divulgation de ces données pour améliorer la qualité des soins au fur et à mesure que les chercheurs apprendront à creuser dans ces données.
Il pourrait être possible de connaître le nombre d’opérations menées par un chirurgien, et les recherches ont montré que pour de nombreuses procédures, il vaut mieux se faire opérer par un chirurgien qui les pratique fréquemment. Les données pourraient également aider à traquer les fraudes.
Faire face aux questions
Le Big Data va impacter les pratiques médicales. Les assurances pourraient demander des comptes aux médecins les moins performants. Si les données montrent que les patients diabétiques d’un médecin présentent un taux élevé de complications, ce médecin devrait faire face à des questions. L’AP estime qu’une telle surveillance devrait accélérer la tendance à la création de grands groupes médicaux et de médecins travaillant comme des employés plutôt qu’en indépendants.