Réfléchissez tant que vous voudrez, vos décisions seront irrationnelles

La prise de décision de l’être humain comporte une part d’aléatoire. Cela est dû à la manière de fonctionner du cerveau entre plusieurs groupes de neurones. Cette part d’aléatoire permet de préserver un comportement d’exploration qui assure la capacité d’adaptation de notre espèce.

Il n’existe pas de décision uniquement rationnelle. C’est ce qu’affirme Thomas Boraud, neurobiologiste à l’Institut des maladies neurodégénératives et auteur d’un ouvrage sur le sujet. Il s’exprime dans une tribune publiée dans Libération.

Aléatoire par nature

Selon cet auteur, personne ne prend de décision en se basant sur des critères rationnels et on n’y peut rien. Pour lui, l’évolution a préservé une part d’aléatoire dans les systèmes de décision de notre cerveau.

Sa tribune cite l’exemple d’un joueur face à deux machines à sous. Au début, le joueur ignore que la première machine permet de gagner une fois sur deux, tandis que la seconde ne permet un gain qu’une fois sur 100.

La machine qui perd 

Le joueur va d’abord choisir sa machine au hasard. A partir des premiers résultats, il va porter ses choix plus souvent sur la première machine. Pourtant, de temps en temps, il va jouer sur la seconde machine bien qu’il ait constaté qu’elle gagne moins souvent. Ce comportement en apparence contre productif a déjà été mis en évidence au travers d’expériences avec des humains ou des animaux.

Une autre expérience montre que le raisonnement pur ne guide pas nos actes estime Thomas Boraud. Quand on demande à des gens s’ils préfèrent être sûrs de sauver 200 personnes sur 600, ou avoir une chance sur trois de sauver les 600 personnes, la plupart choisissent le sauvetage assuré de 200 personnes.

 Le choix du hasard

Si on modifie la manière de poser cette même question, en demandant si ils préfèrent laisser mourir 400 personnes (ce qui est équivalent à sauver 200 personnes) ou avoir deux chances sur trois de laisser mourir 600 personnes (ce qui est identique à avoir une chance sur trois de sauver 600 personnes) –, ils préfèrent cette fois choisir la dernière option, celle du hasard qu’ils avaient écarté auparavant.

Pourtant, dans les deux questions, les conséquences des choix proposés sont exactement les mêmes. C’est une question élaborée par le psychologue Daniel Kahnema, Prix Nobel d’économie en 2002. Un critère rationnel de décision devrait aboutir à des choix identiques, or ce n’est pas le cas. De manière générale, les décisions des agents économiques se font rarement sur des critères rationnels estime le prix Nobel.

 Aversion au risque

En fait, selon l’auteur de la tribune de Libération, plus que sur un raisonnement, les sujets ont déterminé leur choix sur des automatismes comme l’aversion au risque. Pour les économistes, selon l’auteur, notre irrationalité découle de notre incapacité à appréhender la totalité des options d’un problème, combinée à des biais cognitifs qui obscurcissent le jugement.

Selon l’auteur, au niveau du cerveau, le processus de décision peut être vu comme une compétition entre plusieurs populations de neurones, chacune produisant un comportement particulier. Or, le basculement du système vers un comportement ou un autre repose initialement sur un processus aléatoire, affirme-t-il.

 Processus aléatoire

L’apprentissage consiste ensuite à privilégier, dans cette compétition, le comportement le plus adapté au contexte – la bonne décision. Toutefois, cet apprentissage n’abolit jamais la nature intrinsèquement aléatoire du processus.

Au fil des générations, l’évolution du cortex a permis la mise en place de processus automatiques, tel que l’aversion au risque, basés sur des principes conservateurs pour l’individu ou l’espèce.

Limites du rationnel 

Cependant, l’architecture initiale du réseau de la décision n’a pas été modifiée, et le processus a conservé sa nature aléatoire, ce qui limite la capacité de l’Homo sapiens à raisonner de façon rationnelle.

Le comportement d’exploration que pratique l’homme – tel qu’utiliser la machine à sous dont on sait qu’elle ne fait pas gagner – provient directement de la part irréductiblement aléatoire du processus de décision.

 Oublié le cerveau à trois étages

Quant aux biais cognitifs, ils ont pour origine le cortex, qui sous-tend les automatismes parfois irrationnels qui interviennent dans le processus de compétition et de sélection qui aboutit à la décision. Ceci est en opposition rappelle l’auteur avec la théorie classique du cerveau « à trois étages» qui postule que le cortex vient inhiber des processus plus archaïques issus des structures reptiliennes sous-corticales.

Mais cette prétendue irrationalité, n’est pas si dramatique. C’est le prix à payer pour pouvoir décider quand le besoin se présente. Il vaut mieux prendre une mauvaise décision que pas de décision du tout, estime l’auteur. De plus, en préservant la capacité d’exploration, elle nous permet de conserver une grande capacité d’adaptation, qui est la principale marque de fabrique de notre espèce, conclut Thomas Boraud.

Une réaction sur “Réfléchissez tant que vous voudrez, vos décisions seront irrationnelles” :

  1. Payen Pierre (Dunkerque)

    Ne trouve-t-on pas dans ce texte une vision trop rationaliste ? !
    L’existence d’un cerveau triunique (propre à l’homo sapiens) constitué de 3 composantes principales, impliquerait-il l’existence d’une structure hiérarchique de type classique (cartésien, binaire) ? !
    Ne s’écarterait-il pas plus que largement des commentaires exposés dans les ouvrages de Henri Laborit (dès ~ 1970 !) où il est d’abord question de la mise en scène et des rôles des « manques » et des « déséquilibres » inhérents à la notion de vie ? !
    N’est-il pas dommage que ce Monsieur, surdoué, intellectuel, n’ait pas encore réclamé (comme M. Laborit !) l’intégration de l’initiation au mode de fonctionnement du cerveau dans les cours dès l’école primaire ? !

    Plus que quiconque, ne sait-il pas que cette mesure a toujours été refusée parce que les gens ayant un peu plus conscience d’eux-mêmes, prenant du recul, échappant en partie à l’emprise primaire du « réseau des émotions », deviendraient des « mauvais consommateurs », ne se laisseraient plus piégés par les offres publicitaires commerciales, conduiraient au suicide (prématuré) de la dite « Société de consommation » alors que tout est toujours plus (t. p.) axé sur la « croissance »? !

    Symétriquement, par conditionnement, la tombée en dépendance de l’addiction « T. p » n’est-elle pas si importante, prégnante, que notre Société moderne du 21ième siècle est dénommée plus directement par son addiction : « Société T. p. » ? !

    N. B. 1) Cette connaissance scolaire n’aurait-elle pas contribué à diminuer le nombre des viols (~75 000 viols déclarés par

    N. B. 2) Secondairement, pourquoi ce communicant, notabilité, n’a-t-il pas créé un buzz en 2007 lorsque le candidat Sarkozy, quelques semaines avant la date du scrutin et celle du face-à-face avec Me Royal, a déclaré lors d’un entretien avec M. Onfray (Philosophe à la mode) : « Je n’ai jamais rien entendu d’aussi absurde que la phrase de Socrate : Connais-toi toi-même » (V. Internet !) [Entretien Onfray-Sarkozy : Pouvoir et Psychopathie ‎ 24 avr. 2007 …] (Traduction en clair : c’est DIEU qui guide les humains. Il suffit donc d’écouter ses messages, c. à d. de suivre son instinct et ses intuitions !) ? ! ! !
    N’était-ce pas se rendre complice du second assassinat de Socrate ? !

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