Nokia s’empare de Withings, la pépite française des objets connectés de santé, et déjà on imagine l’entreprise d’origine finlandaise devenir un géant de la santé, damant le pion à l’industrie pharmaceutique et aux assureurs.
Internet des objets
De fait, le rachat de Withings est la première étape de la stratégie de Rajeev Suri, DG de Nokia, dans l’internet des objets, avec en ligne de mire la smart city (la ville intelligente), le Cloud, la mobilité et la santé.
Côté santé, Withings a ouvert la voie en développant un écosystème d’objets captant des données de santé, mais la bataille sur les prix de vente aura montré que cela ne suffisait pas.
D’un point de vue capitalistique, le rachat – d’un montant de 190 millions de dollars (170 millions d’euros) – doit être finalisé au 3ème trimestre 2016, et verra les 200 employés de Withings intégrer Nokia.
Pour Nokia, l’enjeu est d’importance. Le fabricant a-t-il tout ce qu’il faut pour réussir à exécuter cette stratégie ? En 2013, Nokia a dû céder sa division smartphone à Microsoft, face à une concurrence sur les prix initiée par les usines chinoises et la supériorité technologique d’Apple et de Google. Les smartphones ne rapportaient plus d’argent à un constructeur ayant perdu la course technologique.
Culture d’ingénieurs « hardware »
En Janvier 2016, Nokia se renforçait dans les réseaux avec le rachat d’Alcatel-Lucent et annonçait ses ambitions dans l’internet des objets. Avec le lancement récent de la caméra de réalité virtuelle Ozo, et le rachat de Withings, Nokia entre de plain-pied dans un nouveau territoire, où l’expérience vécue dans les smartphones sera décisive, car la donnée devient la clé de la réussite.
Le rachat de Withings par Nokia n’est pas surprenant, tant la culture « ingénieur hardware » des deux entreprises est proche. Il y a fort à parier que Cédric Hutchings, co-fondateur de Withings, trouvera facilement ses marques au sein du groupe. Le fait que Nokia soit situé en Europe fut probablement, pour Cédric Hutchings, un autre point en faveur de Nokia.
Reste qu’un fabricant « technologique » monte ainsi en puissance dans la santé ne va pas de soi. Les grands laboratoires pharmaceutiques et les assureurs dont les rôles respectifs sont de prévenir la maladie, de soigner ou de financer les soins auraient pu se risquer à racheter Withings.
Que font les labos et les assureurs
Parmi les grands laboratoires pharmaceutiques, Novartis ainsi n’a pas peur de se frotter au « hardware » tant il mise sur sa collaboration avec Google dans le domaine de la santé pour le développement d’objets connectés, à l’instar des lentilles connectées pour les diabétiques.
Côté assureurs, Axa connait bien le secteur des objets connectés. Ceux-ci sont une opportunité de renouveler son business model avec une facturation de plus en plus personnalisée liée à une mesure des risques réalisée par l’internet des objets, plutôt qu’un mode forfaitaire, mutualisé.
Mais Nokia avait beaucoup plus à gagner qu’Axa ou Novartis en rachetant Withings. Axa peut vouloir préserver sa neutralité envers tous les fournisseurs d’objets de santé concurrents pour être compatible et profiter des données d’où qu’elles viennent. Quant à Novartis, il reste au stade des partenariats, voire des joint-ventures, mais il n’ira probablement pas aussi loin que de racheter un fabricant d’objets connectés.
4 clés du succès pour réussir dans les objets connectés
La taille
Les objets connectés sont le terrain de jeu de géants mondiaux. Withings aura compris ses limites. La société ne pouvait se développer qu’en étant cédée à plus gros qu’elle, un acteur ayant une puissance de frappe mondiale, et jouissant d’une confiance importante de la part des consommateurs.
La confiance
La valeur des objets connectés de santé ne vient pas de la vente de ces objets. Les marges sont minuscules, et le pari n’est gagné que si le fabricant impose sa marque dans le monde entier. La valeur vient des nouveaux services développés grâce aux données captées.
Les consommateurs devraient accepter de confier leurs données de santé à une entreprise telle que Nokia dont ils ont pu découvrir le premier téléphone (de voiture) dés 1982.
Le pouvoir d’attraction de la marque Nokia est fort, et la société inspire confiance. La bataille sur les prix commencée par les fabricants chinois d’objets connectés ne sera pas suffisante pour les consommateurs européens : la confiance est la meilleure arme contre les prix bas du matériel.
Les brevets
Le grand portefeuille de brevets de Nokia, développé pour les smartphones, devrait prouver son utilité dans les objets connectés santé.
L’écosystème d’objets connectés
Au délà de contrôler un écosystème d’objets connectés « santé » initié par Withings, le futur géant mondial des objets connectés devra maîtriser un écosystème d’objets connectés « multi-domaines » car de nombreuses interactions sont possibles entre tous ces objets. L’expérience, les brevets, la culture et le crédit confiance de Nokia seront donc très important pour permettre à la firme de se réinventer.
Jean-Philippe Cunniet
Jean-philippe Cunniet est formateur en Big Data, Marketing Automation et Social Selling en B to B. Il est professeur à l'Essec et à l'Essca, membre de l'Observatoire de l'Ubérisation, conférencier et entrepreneur dans l'internet des objets.
Avec le réel progrès de la technologie, il est tout à fait logique qu’on l’utilise dans le domaine de la santé. On en utilise un d’ailleurs, nous avons une application qui permet à notre grand-mère de prévenir les secours en cas de chute ou malaise. Ca nous a déjà été utile une fois.
Tout à fait d’accord avec votre analyse
J’y ajouterai la pertinence médicale et la validation
Que d’objets connectés goûtés par le consommateur et laissés pour compte
Les sociétés d’objets connectés devraient se rapprocher des professionnels de santé pour valider l’intérêt des données
A leur disposition pour en parler !