Une première loi consensuelle pour réduire l’empreinte environnementale du numérique en France

Patrick Chaize, sénateur de l'Ain

Aujourd’hui le numérique est à l’origine de 2% des émissions de gaz à effet de serre de la France. En 2040 ce sera 7% si rien n’est fait d’ici là. Ce constat issu d’une mission d’information sénatoriale menée en 2020 a motivé le Parlement à adopter la loi REEN comme « réduire l’empreinte environnementale du numérique » le 2 novembre 2021. Publiée au Journal Officiel le 16 novembre, cette loi est dorénavant applicable.

« L’objectif est clair : agir sans attendre, pour combler un angle mort de nos politiques environnementales, et prendre le tournant de la transition numérique, tout en s’assurant que ce secteur, au demeurant indispensable à la transition écologique, ne devienne pas une source de pollution exponentielle » annonce le Sénateur de l’Ain Patrick Chaize porteur de cette loi.

Dans le détail la loi REEN s’appuie sur cinq axes : sensibilisation du public, limitation du renouvellement des terminaux, développement d’usages écologiquement vertueux, promotion de data centers moins énergivores, stratégie numérique responsable pour les collectivités.

Des mesures informatives, éducatives et vertueuses pour le secteur public

Un observatoire des impacts environnementaux du numérique devrait être créé. L’objectif sera de recueillir davantage de données notamment pour ajuster la loi. Dans l’enseignement primaire et secondaire, une formation de sensibilisation à l’impact environnemental du numérique sera bientôt mise en place. Dans les écoles d’ingénieurs, c’est un volet relatif à l’éco conception des services numériques qui sera imposé dès la rentrée scolaire de 2022.

Les collectivités territoriales, administrations et services de l’Etat devront favoriser le réemploi ou la réutilisation de leur matériel inutilisé. Ce sera obligatoire pour les équipements informatiques de moins de 10 ans. Les communes de plus de 50 000 habitants devront bientôt définir puis publier le compte-rendu annuel de leur « stratégie numérique responsable ». A noter que les prérogatives du maire en matière de déploiement des infrastructures de télécommunications et de leur partage entre opérateurs seront renforcées pour aménager le territoire avec sagesse.

Un encadrement de l’obsolescence logicielle et la valorisation des équipements numériques

Cette loi REEN  comprend de nombreuses mesures pour  soutenir le recyclage et la valorisation des terminaux car la fabrication des smartphones, tablettes et ordinateurs serait responsable de près de 70 % de l’impact du numérique. Ainsi des opérations de collecte accompagnées d’une prime au retour seront lancées. Autre exemple avec la suppression de l’obligation de fournir des écouteurs lors de la vente de téléphones portables sur le marché français.

Les data centers représentant 14% de l’empreinte carbone du numérique en France devront être plus économes en énergie et respecter des seuils. La lutte contre l’obsolescence programmée s’étend maintenant aux logiciels. Plus possible dorénavant de rendre obsolète un appareil en ne proposant plus sa mise à jour logicielle compatible. 

Une loi trop consensuelle pour certains

« La loi pour verdir le numérique déçoit les écologistes »  a ainsi titré le média Reporterre.  Alors que le projet initial prévoyait une obligation pour les constructeurs de téléphone de fournir aux usagers des mises à jour pendant cinq ans, cette obligation ne s’appliquera finalement que pendant deux années. Autre mesure initialement proposée par les sénateurs mais également retoquée par les députés : la redevance copie privée appliquée au matériel reconditionné.

Créée en 1985, cette « redevance copie privée » est prélevée sur les supports d’enregistrement – CD, DVD, mémoires et disques durs d’ordinateur, de téléphone ou de tablette – afin de compenser le préjudice financier des artistes dont les œuvres sont copiées. Les sénateurs souhaitaient exonérer les équipements d’occasion de cette taxe mais face au tollé du monde culturel, les députés ont  supprimé cette mesure.

 Avec 2,6 millions de smartphones reconditionnés contre 16 millions de neufs, le secteur du reconditionnement a représenté 15 % des ventes de téléphones en France en 2020. Une taxe d’une dizaine d’euros s’abattra donc sur les équipements reconditionnés selon Reporterre. Non soumis à cette loi,  les appareils reconditionnés venant de l’étranger proposeront des tarifs plus concurrentiels du détriment de l’écosystème français du reconditionnement. Mais gageons que les ajustements de cette loi REEN la feront évoluer vers un véritable consensus. 

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